EMMANUEL ROBINEAU

EXPOSITION

Avant rien, après peut-être

La figuration du visible, dresse l’inventaire d’un univers fluctuant, marqué par l’instabilité d’un monde vacillant. Toujours en mouvement, est-ce la terre qui tourne ou est-ce moi marchant vers le couchant, la conscience foudroyante du réel tente la reconnaissance des choses n’ayant pas encore été connu dans leur idiotie effrayante.

Au-delà du réel visible, les corps, les âmes, l’obscurité conjuguent leurs propriétés pour abonder l’évocation de la douleur et des sentiments.

Les chiens et les pierres s’entremêlent, manifestations d’êtres se montrant tout à coup pour faire apparaître ce qui ne peut arriver et qui se produit pourtant.

Emmanuel Robineau

Emmanuel ROBINEAU

Né le 16 janvier 1960 à St Brieuc

Je vis et travaille à Regnéville sur mer dans la Manche.

Dans mon atelier je peux depuis 5 ans façonner et cuire de l’argile.

Très inspiré par la poésie, j’y ai développé autour de l’idée de paysage des assemblages de formes simples, superposées, symboliques, toutes en en équilibre où les interrogations sur le monde, les origines, le temps et l’espace sont prédominantes.

Avec les corps debout, j’intègre à ces interrogations les douleurs, les désirs, les angoisses.

En parallèle et avec mes sculptures, je crée de courtes vidéos. Leurs mises en scène tentent de raconter les pierres levées, les esprits et les trésors cachés, l’âme et le sang

Ma propre poésie me permet de poser les questions avec d’autres exigences et sous une autre forme.

Les murs

Les murs mettent du temps à se réchauffer, à l’intérieur
des coquilles, rien de nouveau, les bruits obsessionnels
se sont tus, les bruits omniprésents se sont éteints
De chez les voisins on ne voit rien, on n’entend rien.
Trop tôt sans doute pour en tirer des conclusions
sur la palissade.
Point de salut, au-delà de la palissade.
L’histoire commence, enfin, par des mots échangés
au-dessus de la palissade, quand, par une belle matinée
de rayons et de poussières, chacun de son côté
a tenté d’apercevoir les doigts des mains,
les ongles des doigts, les bras sous le tissus,
les veines sous le cuir.
Le début d’une histoire de mots échangés, pauvre vocabulaire
des gestes agités maladroits quand ni l’un ni l’autre
écoute l’autre pour communiquer sur le partage des taches
indélébiles étalées maladroitement.
Je suis obsédé par ce rêve déclinant le contact établi,
les distances abolies, la douceur des contacts,
ces mains touchant la chaleur du sang
répondu sur le linceul enveloppant la mémoire oubliée.
L’histoire n’est pas terminée, le réveil est douloureux.
Si tôt le matin, si loin de la nuit, je ne ferai pas demi-tour
pour aller chercher dans la nuit les restes hypothétiques
d’une rencontre. Par contre, je ferai bien demi-tour
pour aller chercher sous le sommier la poussière accumulée
des semelles, sans elle, les retours sont impossibles.
Elle a cette odeur diffuse des détails oubliés,
cette légèreté incolore transportant par transparence
ce qui n’est déjà plus.

Quand viendra !

Quand viendra ! Quand viendra la poussière sur le banc,
la cendre autour des pieds des pommiers,
les traces du passage de l’air entre les tombes
du cimetière derrière les murs du cimetière.
Et le vent, un souffle sans fin.
Et le son du vent, hululement et sifflement.
Et l’infini après le vent, derrière la butte ondulée
des herbes égrainés.
Il fait un peu meilleure, tout ce qui est alimentaire
est ouvert.
L’oiseau est revenu, pourtant son trou bien fermé
semblait bien fermé.
Les moineaux ne quittent plus leurs brindilles,
interdisant les cris et les roucoulements.
D’autres s’en chargent, claquant leurs bras de  bêtes
dans l’air, glissant entre les particules,
ne s’arrêtant que sur le fil tendu d’un poteau suspendu.

EMMANUEL ROBINEAU

EXPOSITION “AVANT, RIEN. APRES PEUT-ÊTRE.”

Sculptures Statues

La douleur, le désir, les angoisses, les maux, les tripes, les pieds, la peau, le bruit, le contact.

Au loin, j’aperçois des traces de mondes reliés par une ligne éphémère, les brosses du ciel traversé
de poils échappés des cadavres d’objets volants. Ce n’est pas le même contexte. C’est long, c’est long. Retourne dans ton trou, dans ta caverne, cache ta peau avec des peaux d’animaux poilus, crache tes immondes du fond du fond de ta respiration, trace des signes sur ta bouche cousue, coud toi un manteau de morve sur ton souffle court. Reprends ta respiration, souffle, inspire. Que peux bien t’inspirer les promesses de pluies, un merle piquant un ver dans le massif d’orlayas et le claquement d’une fenêtre entrouverte. 

Statues

Au-delà des statues

Au-delà des statues, une pointe dans l’œil nous avons parcouru les sentiers attentifs aux ombres entre les branches, attentifs aux bruits entre les troncs. Quand le blanc des pierres disparaît derrière le lierre, les veines des chairs sous la peau, il est temps d’allonger ses jambes. Allonger le pas entre les socles taillés dans le marbre marbré de rose, entre les rosiers taillés dans la roseraie parfumée de roses. Un désert de rocs dans une légère pente parsemée de thym et de persil, la trace d’une vie dans l’humidité de la mousse et du lichen, des grains de poussières éparpillés entre le souffle et le vent. Sous la peau le picotement, la brûlure du feu sur le bout des doigts. Je le savais, je savais qu’il ne fallait pas y aller, qu’il fallait rester assis sur le mur séparant le jardin et la forêt.

Toutes les sculptures :  Grés cuit à 1000°

Sculptures Paysages

Le monde, les origines, le temps, l’espace, les pierres, le chemin, le souffle du vent, la forêt.

C’est l’heure du temps changeant, d’un peu de chaleur, de torpeur, aller chercher ailleurs des remarques, des achats avec rien, préparer l’entrée gravillonnées pour déposer à plat, les pots, les plats, les pieds. Les engrenages ont tout remué, les pierres déplacées, retrouvées plus loin n’ont pas bougées. Elles ont séché leur face blanche au-dessus, l’humidité en-dessous, encore dessous : les bêtes sans pattes ou mille pattes.

Les matières molles entre les matières dures, espacent les corps inertes. Leur somme est supérieure à la totalité des dos, des pieds, des bras entassées. La théorie de la conservation de la masse de la matière ne peut pas se faire sans prendre en compte les corps intermédiaires crées quand la séparation les éloigne les uns des autres.

Paysages

Poser, superposer, porter, supporter

Ils me diront : tu ne travailles plus ! Je me remets à travailler. Poser, superposer, porter, supporter. J’attends des bocaux immobiles un imperceptible déplacement,
des torchons éparpillés sur la table essuyée un léger mouvement. J’attends de l’eau qui bouille  une chaleur signifiante. J’attends des odeurs de l’eau évaporée
qu’elles descendent des poutres vers les chaises rangées en rang sous la table essuyée. Entre chaque mouvement, quand les images s’écartent :
accélération. Entre chaque mouvement quand les images se rapprochent : décélération. Combien tu dis ? Je n’ai rien dis ! A travers les tissus respirés, la buée se dépose sur les yeux embués, hors de question de s’essuyer même avec un mouchoir en papier. Que fais-tu ? Je ne travaille pas, je remplis des sacs de goudron, je passe des câbles dans la terre, je découpe une cuisse de poulet plumé, je déplace des mots insignifiants d’une ligne à la ligne.

Toutes les sculptures : Grés cuits à 1000°, émail, oxyde